Els meus ulls aquí

  • Quan el vent és l’antic amic
    que davalla muntanyes per poder-te dur el seu bes
    i en l’amor és brau i en el joc fidel
    penso que he tingut sort de poder obrir els meus ulls aquí.

    Quan el mar és l’antic amant
    que et penetra les roques i amara la teva pell
    i en l’amor és brau i en el joc fidel
    penso que he tingut sort de poder obrir els meus ulls aquí.

    Quan el temps… quan el temps…

    Temps era temps, quan encara les bruixes
    campaven dalt del campanar
    i eren mestresses de nits i tempestes
    amb línies de vols regulars.

    Passeu nens, passeu, és com un guinyol,
    ei, canta el gall, s’ha aixecat el teló,
    acte primer, a poc a poc surt el sol.

    La plana es desvetlla i el Montgrí fa un gran badall.

    Temps de fileres de carros mandrosos
    que anaven buscant l’horitzó,
    temps de llonguet i la bossa de cuiro
    per anar a l’escola, i « cara al sol »,
    temps de dir: « mossèn: fa més d’un mes
    i no sé quants mals pensaments he tingut ».
    « Fes un promig, fes un promig ».
    Tocar les parts és un pecat, valga’m Déu,
    deu mil inferns van cremant, valga’m Déu.
    Ai, pels anys cinquanta la moral dins d’un bastó.
    Temps de cinema a tres peles
    amb dret a xiular pel retall el petó.
    Mentre els avis practicaven llengües
    amb els turistes dels contorns:
    « Vus tiré tot druat
    i després turas quilometres giré cap a la goix.
    I ja ho trobareu, ja ho trobareu ».
    Veus com m’ha entès, el proper te’l fas tu.
    Pssa, en francès qualsevol se’n surt.
    Ai, pels anys cinquanta la saviesa dins el cor.

    …………………………………………………………………..

    Quan el temps és l’antic company
    que et fa ric en records i pobre en el que vindrà
    i amb el vent tan brau i amb la mar fidel
    penso que tindré sort si puc tancar els meus ulls aquí,
    penso que tindré sort si puc tancar els meus ulls aquí.

    Quan el temps… quan el temps…

  • Els meus ulls aquí (Mes yeux, ici )

    Quand le vent est le vieil ami qui dévale
    les montages pour me donner son baiser,
    Brave en amour et dans le jeu fidèle
    Je pense que j’ai eu de la chance d’ouvrir les yeux ici.

    Quand la mer est l’ancienne amante
    qui pénètre les rochers et imprègne ta peau
    Brave en amour et dans le jeu fidèle
    Je pense que j’ai eu de la chance d’ouvrir les yeux ici.

    Quand le temps… quand le temps …

    C’était au temps où les sorcières encore
    campaient dans le haut du clocher, maîtresses
    des nuits et des tempêtes avec des lignes
    de vols réguliers.

    Passez, enfants, passez, c’est comme au guignol
    Hé, chante le coq, le rideau s’est levé Premier acte,
    le soleil se lève peu à peu.

    La plaine s’éveille et le Montgri laisse échapper
    un long baillement.

    C’était le temps des files de charrettes paresseuses
    qui s’en allaient vers l’horizon
    Le temps du petit pain et de la sacoche en cuir pour
    aller à l’école et « Cara al sol ».

    Le temps où l’on disait
     » Monsieur l’abbé cela fait plus d’un mois et je ne sais plus combien de mauvaises pensées j’ai eues. »
     » Fais une moyenne, fais une moyenne ! Se toucher les parties, c’est un pêché, grand Dieu dix mille enfers s’embraseront, grand Dieu !  »
    Ah ! dans les années 50 la morale était au bout du bâton

    C’était le temps du cinéma à trois sous et le droit de
    siffler pour la censure du baiser.
    Pendant ce temps les grands pères pratiquaient les
    langues étrangères avec les touristes des alentours
    « vouzé tiré tate drouate i desprès trouzes quilometrès
    giré cap a la golché vous trouverez bien, vous
    trouverez bien.
    Tu vois comme il a compris, le prochain c’est toi qui te
    le paie.
    Tssss en français n’importe qui peut s’en tirer »
    Ah dans les années 50, la sagesse était dans les coeurs.

    Quand le temps est le vieux compagnon
    qui te fait riche en souvenirs et pauvre en devenir
    avec le temps si brave et la mer fidèle
    Je pense que j’aurai de la chance si je peux fermer les
    yeux ici
    je pense que j’aurai de la chance si je peux fermer les
    yeux ici.

    Quand le temps …. quand le temps ….


Paroles et musique Lluis Llach

Cette chanson aux orchestrations de fête foraine
raconte la vie de Lluis dans son petit village de
Vergès. Le chateau de Montgri qui se tient tout
en haut de la colline, le petit clocher de l’église
qu’on retrouvera dans Pais Petit, les menaces du
curé, l’arrivée des touristes… tout un petit monde que Lluis dépeint avec nostalgie et poésie.